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Le temps logique

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1945-03-00.htm
 <CENTER><I><FONT SIZE=+2>Le [[temps ]] logique et l'assertion</FONT></I></CENTER>
<CENTER><I><FONT SIZE=+2>de certitude anticip&eacute;e</FONT></I></CENTER>
<CENTER><I><FONT SIZE=+1>Un nouveau sophisme</FONT></I></CENTER>
<CENTER><B><FONT SIZE=+1>Jacques [[Lacan]]</FONT></B></CENTER>
&nbsp;
<DIR><DIR><FONT SIZE=-1>&nbsp; Il nous fut [[demand]]&eacute; en mars 1945<B> </B>par[[Christian ]] Zervos de contribuer avec un certain nombre d'&eacute;crivains
au num&eacute;ro de reprise de sa revue, <I>les Cahiers d'Art, </I>con&ccedil;u
au dessein de combler du palmar&egrave;s de son sommaire, une parenth&egrave;se
et l'apr&egrave;s o&ugrave; nous le pla&ccedil;ons ici, m&ecirc;me s'il
d&eacute;montre que l'apr&egrave;s faisait antichambre, pour que l'avant
p&ucirc;t prendre rang.</FONT></DIR></DIR>
&nbsp;
<UL>
<H3>
<I>Un probl&egrave;me de logique.</I></H3>
Le directeur de la prison fait compara&icirc;tre trois d&eacute;tenus de
[[choix ]] et leur communique l'avis suivant :
<P><I>"Pour des raisons que je n'ai pas &acirc; vous rapporter maintenant,
messieurs, je dois lib&eacute;rer un d'entre vous. Pour d&eacute;cider
lequel, j'en remets le sort &agrave; une &eacute;preuve que vous allez
courir, s'il vous agr&eacute;e.</I>
<P><I>"Vous &ecirc;tes trois ici pr&eacute;sents. Voici cinq disques qui
ne diff&egrave;rent que par leur couleur : trois sont blancs, et deux sont
noirs. Sans lui faire conna&icirc;tre duquel j'aurai fait choix, je vais
fixer &acirc; chacun de vous un de ces disques entre les deux &eacute;paules,
c'est-&agrave;-[[dire ]] hors de la port&eacute;e directe de son [[regard]], toute
possibilit&eacute; indirecte d'y atteindre par la vue &eacute;tant &eacute;galement
exclue par l'[[absence ]] ici d'aucun moyen de se mirer.</I>
<P><I>"D&egrave;s lors, tout loisir vous sera laiss&eacute; de consid&eacute;rer
vos compagnons et les disques dont chacun d'eux se montrera porteur, sans
qu'il vous soit permis, bien entendu, de vous communiquer l'un &agrave;
l'[[autre ]] le r&eacute;sultat de votre inspection. Ce qu'au [[reste ]] votre int&eacute;r&ecirc;t
seul vous interdirait. Car c'est le premier &agrave; pouvoir en conclure
sa propre couleur qui doit b&eacute;n&eacute;ficier de la mesure lib&eacute;ratoire
dont nous disposons.</I>
<P><I>"[[Encore ]] faudra-t-il que sa conclusion soit fond&eacute;e sur des
motifs de logique, et non seulement de probabilit&eacute;. A cet effet,
il est convenu que, d&egrave;s que l'un d'entre vous sera pr&ecirc;t &agrave;
part, il soit jug&eacute; sur sa r&eacute;ponse."</I>
<P>Ce propos accept&eacute;, on pare nos trois sujets chacun d'un disque
blanc, sans utiliser les noirs, dont on ne disposait, rappelons-le, qu'au
nombre de deux.
<P>Comment les sujets peuvent-ils r&eacute;soudre le probl&egrave;me?
<BR>&nbsp;
<H3>
temps</I>, les trois sujets font ensemble <I>quelques pas</I> qui les m&egrave;nent
de front &agrave; franchir la porte. S&eacute;par&eacute;ment, chacun fournit
alors une r&eacute;ponse [[semblable ]] qui s'exprime ainsi :
<P><I>"Je suis un blanc, et voici comment je le sais. Etant donn&eacute;
que mes compagnons &eacute;taient des blancs, j'ai pense que, Si j'&eacute;tais
un noir, chacun d'eux e&ucirc;t pu en inf&eacute;rer ceci : "Si j'&eacute;tais
eux. Sur quoi, j'ai pris la porte, pour faire conna&icirc;tre ma conclusion."</I>
<P>C’est ainsi que tous trois sont sortis simultan&eacute;ment forts des
m&ecirc;mes raisons de conclure.
<BR>&nbsp;
Nous laissons &agrave; l’initiative de chacun le soin d'en d&eacute;cider.
<P>Non certes que nous allions &agrave; conseiller d'en faire l'&eacute;preuve
au naturel, encore que le progr&egrave;s antinomique de notre &eacute;poque
semble depuis quelque temps en mettre les [[conditions ]] &agrave; la port&eacute;e
d'un toujours plus grand nombre nous craignons, en effet, bien qu'il ne
soit ici pr&eacute;vu que des gagnants, que le fait ne s'&eacute;carte
plus pour le fin du fin de la libert&eacute; humaine.
<P>Mais, pratiqu&eacute;e dans les conditions innocentes de la [[fiction]],
l'exp&eacute;rience ne d&eacute;cevra pas, nous nous en portons garant,
ceux qui gardent quelque go&ucirc;t de s'&eacute;tonner. Peut-&ecirc;tre
du moins Si nous faisons foi &agrave; ce qui nous a paru s'en d&eacute;gager,
pour l'avoir essay&eacute;e sur divers groupes convenablement choisis d'intellectuels
qualifi&eacute;s, d'une toute sp&eacute;ciale m&eacute;[[connaissance]], chez
ces sujets, de la r&eacute;alit&eacute; d'autrui.
<P>Pour nous, nous ne voulons nous attacher ici qu'&agrave; la valeur logique
de la solution pr&eacute;sent&eacute;e. Elle nous appara&icirc;t en effet
comme un remarquable sophisme, au sens classique du mot, c'est-&agrave;-dire
comme un exemple significatif pour r&eacute;soudre les formes d'une [[fonction]]logique au [[moment ]] historique o&ugrave; leur probl&egrave;me se pr&eacute;sente&agrave; l'examen philosophique. Les [[images ]] sinistres du r&eacute;cit s'y
montreront certes contingentes. Mais, pour peu que notre sophisme n'apparaisse
pas sans r&eacute;pondre &agrave; quelque actualit&eacute; de notre temps,
il n'est pas superflu qu'il en porte le [[signe ]] en de telles images, et c'est
pourquoi nous lui en conservons le support, tel que l'h&ocirc;te ing&eacute;nieux
d'un soir l'apporta &agrave; notre r&eacute;flexion.
<P>Nous nous mettons maintenant sous les auspices de celui qui parfois
se pr&eacute;sente sous l'habit du philosophe, qu'il faut plus souvent
chercher ambigu dans les propos de l’humoriste, mais qu'on rencontre toujours
au [[secret ]] de l'[[action ]] du politique, le bon logicien, odieux au monde.
<BR>&nbsp;
<H3>
<B><I>[[Discussion ]] du sophisme.</I></B></H3>
Tout sophisme se pr&eacute;sente d'abord comme une erreur logique, et l'objection
&agrave; celui-ci trouve facilement son premier argument. On appelle A
le [[sujet ]] r&eacute;el qui vient conclure pour lui-m&ecirc;me, B et C ceux
r&eacute;fl&eacute;chis sur la conduite desquels il &eacute;tablit sa d&eacute;duction.
Si la conviction de B, nous dira-t-on, se fonde sur l'expectative de C,
il r&eacute;sulte que A ne peut en d&eacute;duire qu'il soit un blanc.
<P>A quoi il faut r&eacute;pliquer d'abord que toute cette cogitation deB et de C leur est imput&eacute;e <I>&agrave; faux</I>, puisque la [[situation]]qui seule pourrait la motiver chez eux de [[voir ]] un noir n'est pas la vraie,et qu'il s'agit de [[savoir ]] si, cette situation &eacute;tant suppos&eacute;e,
son d&eacute;veloppement logique leur est imput&eacute; <I>&agrave; tort</I>.
Or il n'en est rien. Car, dans cette hypoth&egrave;se, c'est le fait qu'aucun
il n'est question que personne sorte pour la raison qui s'en d&eacute;duit.
<P>Mais l'objection se repr&eacute;sente plus forte &agrave; la seconde&eacute;tape de la d&eacute;duction de A. Car, Si c'est &agrave; bon [[droit]]
qu'il est venu &agrave; sa conclusion qu'il est un blanc, en posant que,
s'il &eacute;tait noir, les autres ne tarderaient pas &agrave; se savoir
blancs et devraient sortir, voici qu'il lui faut en revenir, aussit&ocirc;t
l'a-t-il [[form]]&eacute;e, puisque au moment d'&ecirc;tre m&ucirc; par elle,
il voit les autres s'&eacute;branler avec lui.
<P>Avant d'y r&eacute;pondre, reposons bien les termes logiques du probl&egrave;me.
A d&eacute;signe chacun des sujets en tant qu'il est lui-m&ecirc;me sur
la sellette et se d&eacute;cide ou non &agrave; sur soi conclure. B et
C ce sont les deux autres en tant<B> </B>qu'objets du raisonnement de A.
Mais, Si celui-ci peut lui imputer correctement, nous venons de le montrer,
une cogitation en fait fausse, il ne saurait tenir compte que de leur [[comportement]]
r&eacute;el.
<P>Si A, de voir B et C s'&eacute;branler avec lui, revient &agrave; douter
d'&ecirc;tre par eux vu noir, il suffit qu'il repose la question, en s'arr&ecirc;tant,
pour la r&eacute;soudre. Il les voit en effet s'arr&ecirc;ter aussi : car
repartent tous ensemble, pour d&eacute;clarer qu'ils sont des blancs.
<P>Mais l'on peut nous opposer encore qu'&agrave; lever ainsi l'obstacle
nous n'avons pas pour autant r&eacute;fut&eacute; l'objection logique,
et qu'elle va se repr&eacute;senter la m&ecirc;me avec la r&eacute;it&eacute;ration
le m&ecirc;me arr&ecirc;t.
<P>Assur&eacute;ment, mais il faut bien qu'il y ait eu un progr&egrave;s
logique d'accompli. Pour la raison que cette fois A ne peut tirer de l'arr&ecirc;t
commun qu'une conclusion sans &eacute;quivoque. C'est que, s'il &eacute;tait
qui ne permet ni &agrave; l'objection ni au doute de rena&icirc;tre.
<P>Le sophisme garde donc, &agrave; l’&eacute;preuve de la discussion toute
la<B> </B>rigueur contraignante d'un proc&egrave;s logique, &agrave; la
condition qu'on lui int&egrave;gre la valeur des deux <I>scansions suspensives</I>,
que cette &eacute;preuve montre le v&eacute;rifier dans l'[[acte ]] m&ecirc;me
o&ugrave; chacun des sujets manifeste qu'il l'a men&eacute; &agrave; sa
conclusion.
logique.
<P>Elles ne jouent ce r&ocirc;le, en effet, qu'apr&egrave;s la conclusion
du proc&egrave;s logique, puisque l'acte qu'elles suspendent manifeste
cette conclusion m&ecirc;me. On ne peut donc objecter de l&agrave; qu'elles
logique lui-m&ecirc;me.
<P>Leur r&ocirc;le, pour &ecirc;tre crucial dans la pratique du proc&egrave;s
logique, n'est pas celui de l'exp&eacute;rience dans la v&eacute;rification
d'une hypoth&egrave;se, mais bien d'un fait intrins&egrave;que &agrave;
l’ambigu&iuml;t&eacute; logique.
<P>Du premier aspect en effet, les donn&eacute;es du probl&egrave;me se
d&eacute;composeraient ainsi :
<P>1&deg; trois combinaisons sont logiquement possibles des attributs caract&eacute;ristiques
des sujets : deux noirs, un blanc, - un noir, deux blancs, - trois blancs.
La premi&egrave;re &eacute;tant exclue par l'observation de tous, une inconnue
reste ouverte entre les deux autres, que vient r&eacute;soudre :
<P>2&deg; la donn&eacute;e d'exp&eacute;rience des motions suspendues,qui &eacute;quivaudrait &agrave; un [[signal ]] par o&ugrave; les sujets se
communiqueraient l'un &agrave; l'autre, sous une forme d&eacute;termin&eacute;e
par les conditions de l'&eacute;preuve, ce qu'il leur est interdit d'&eacute;changer
de l'autre.
<P>Il n'en est rien, car ce serait l&agrave; donner du proc&egrave;s logique
une conception spatialis&eacute;e, celle-l&agrave; m&ecirc;me qui transpara&icirc;t
chaque fois qu'il prend l'aspect de l'erreur et qui seule objecte &agrave;
la solubilit&eacute; du probl&egrave;me.
<P>C'est justement parce que notre sophisme ne la tol&egrave;re pas, qu'il
se pr&eacute;sente comme une aporie pour les formes de la logique classique,
dont le prestige "&eacute;ternel" refl&egrave;te cette infirmit&eacute;
non moins reconnue pour &ecirc;tre la leur<A [[Name|NAME]]="bknote1"></A><SUP><A HREF="#note1">[1]</A></SUP>
: &agrave; savoir qu'elles n'apportent jamais rien qui ne puisse d&eacute;j&agrave;
<I>&ecirc;tre vu d'un seul coup</I>.
<P>Tout au contraire, l'entr&eacute;e en jeu comme signifiants des ph&eacute;nom&egrave;nesici en litige fait-elle pr&eacute;valoir la [[structure ]] temporelle et non
pas spatiale du proc&egrave;s logique. Ce que les <I>motions suspendues</I>
d&eacute;noncent, ce n'est pas ce que les sujets voient, c'est ce qu'ils
d'arr&ecirc;t</I>. Leur valeur cruciale n'est pas celle d'un choix binaire
entre deux combinaisons juxtapos&eacute;es dans l'inerte<A NAME="bknote2"></A><SUP><A HREF="#note2">[2]</A></SUP>,
et d&eacute;pareill&eacute;es par l'[[exclusion ]] visuelle de la troisi&egrave;me,
mais du mouvement de v&eacute;rification institu&eacute; d'un proc&egrave;s
logique o&ugrave; le sujet a transform&eacute; les trois combinaisons possibles
en trois <I>temps de possibilit&eacute;</I>.
<P>C'est pourquoi aussi, tandis qu'<I>un seul</I> signal devrait suffire
pour le seul choix qu'impose la premi&egrave;re interpr&eacute;tation erron&eacute;e,
<I>deux</I> scansions sont n&eacute;cessaires pour la v&eacute;rification
des deux laps qu'implique la seconde et seule valable.
<P>Loin d'&ecirc;tre une donn&eacute;e d'exp&eacute;rience externe dans
le proc&egrave;s logique, les <I>motions suspendues</I> y sont si n&eacute;cessaires
que seule l'exp&eacute;rience peut y faire manquer le synchronisme qu'elles
leur fonction dans le proc&egrave;s de la v&eacute;rification.
<P>Elles n'y repr&eacute;sentent rien en effet que les paliers de d&eacute;gradationdont la n&eacute;cessit&eacute; fait appara&icirc;tre l'[[ordre ]] croissant
des instances du temps qui s'enregistrent dans le proc&egrave;s logique
pour s'int&eacute;grer dans sa conclusion.
<P>Comme on le voit dans la d&eacute;[[termination ]] logique des <I>temps d’arr&ecirc;t</I>
qu'elles constituent, laquelle, objection du logicien ou doute du sujet,
se r&eacute;v&egrave;le &agrave; chaque fois comme le d&eacute;roulement
[[subjectif ]] d'une [[instance ]] du temps, ou pour mieux dire, comme la fuite du
sujet dans une exigence formelle.
<P>Ces instances du temps, constituantes du proc&egrave;s du sophisme,
permettent d'y reconna&icirc;tre un v&eacute;ritable mouvement logique.
Ce proc&egrave;s exige l'examen de la qualit&eacute; de ses temps.
<H3>
<B><I>La modulation du temps dans le mouvement du sophisme : l'instant
du regard, le temps pour comprendre et [[le moment de conclure]].</I></B></H3>
Il s'isole dans le sophisme trois <I>moments de l'&eacute;vidence</I>,
dont les valeurs logiques se r&eacute;v&eacute;leront diff&eacute;rentes
et d'ordre croissant. En exposer la succession chronologique, c'est encore
les spatialiser selon un formalisme qui tend &agrave; r&eacute;duire le
[[discours ]] &agrave; un alignement de signes. Montrer que l'instance du temps
se pr&eacute;sente sous un <I>mode</I> diff&eacute;rent en chacun de ces
moments, c'est pr&eacute;server leur hi&eacute;rarchie en y r&eacute;v&eacute;lant
aussi rigoureuse que possible, de ces moments de l'&eacute;vidence.
<P>&nbsp; 1&deg; <I>A &ecirc;tre en face de deux noirs, on sait qu'on est
un blanc.</I>
<BR>&nbsp; C'est l&agrave; une <I>exclusion logique</I> qui donne sa base
si l'on peut dire, serait &eacute;gal &agrave; z&eacute;ro.
<BR>&nbsp; Mais sa formulation au d&eacute;part d&eacute;j&agrave; se module
: par la [[subjectivation ]] qui s'y dessine, encore qu'impersonnelle sous la
forme de l' "on sait que...", et par la conjonction des propositions qui,
plut&ocirc;t qu'elle n'est une hypoth&egrave;se formelle, en repr&eacute;sente
sujet lui-m&ecirc;me. Dans ce passage, le sujet rencontre la suivante combinaison
logique et, seul &agrave; pouvoir y assumer l'attribut du noir, vient,
dans la premi&egrave;re [[phase ]] du mouvement logique, &agrave; formuler ainsi
l'&eacute;vidence suivante
<P>&nbsp; 2&deg; <I>Si j'&eacute;tais un noir, les deux blancs que je vois
ne tarderaient pas &agrave; se reconna&icirc;tre pour &ecirc;tre des blancs</I>.
<BR>&nbsp; C'est l&agrave; une <I>intuition</I> par o&ugrave; le sujet
<I>[[objective]]</I> quelque [[chose ]] de plus que les donn&eacute;es de fait dont
l'aspect lui est offert dans les deux blancs; c'est un certain temps qui
se d&eacute;finit (aux deux sens de prendre son sens et de trouver sa limite)
suivante:
<P>&nbsp; 3&deg; <I>Je me h&acirc;te de m'affirmer pour &ecirc;tre un blanc,
pour que ces blancs, par moi ainsi consid&eacute;r&eacute;s, ne me devancent
pas &agrave; se reconna&icirc;tre pour ce qu'ils sont.</I>
l'instance du temps qui le soutient objectivement, se poursuit chez le
sujet en une r&eacute;flexion, o&ugrave; cette instance ressurgit pour
lui sous le mode subjectif d'un <I>temps de [[retard]]</I> sur les autres dans
ce mouvement m&ecirc;me, et se pr&eacute;sente logiquement comme l'urgence
du <I>moment de conclure</I>. Plus exactement, son &eacute;vidence se r&eacute;v&egrave;le
dans la p&eacute;nombre [[subjective]], comme l'illumination croissante d'une
frange &agrave; la limite de l'&eacute;clipse que subit sous la r&eacute;flexion
l'objectivit&eacute; du <I>temps pour comprendre</I>.
m&ecirc;me. C'est donc le <I>moment de conclure</I> qu'il est blanc; s'il
se laisse en effet devancer dans cette conclusion par ses semblables, il
<I>ne pourra plus reconna&icirc;tre</I> s'il n'est pas un noir. [[Pass]]&eacute;<I>
le temps pour comprendre le moment de conclure, c'est le moment de conclure
le temps pour comprendre</I>. Car autrement ce temps perdrait son sens.
<BR>&nbsp;
<H3>
<I>La tension du temps dans l'assertion subjective et sa valeur [[manifest]]&eacute;e
dans la d&eacute;monstration du sophisme.</I></H3>
La valeur logique du troisi&egrave;me moment de l'&eacute;vidence, qui
s'applique.
<P>Progressant sur les relations propositionnelles des deux premiers moments,
<I>apodose</I> et <I>hypoth&egrave;se</I>, la conjonction ici manifest&eacute;e
se noue en une motivation de la conclusion, "<I>pour qu'il n’y ait pas</I>"
(de retard qui engendre l'erreur), o&ugrave; semble affleurer la forme
ontologique de l'[[angoisse]], curieusement refl&eacute;t&eacute;e dans l'expression
grammaticale &eacute;quivalente, "<I>de peur que</I>" (le retard n'engendre
l'erreur)...
<P>Sans doute cette forme est-elle en relation avec l'originalit&eacute;
logique du sujet de l'assertion : en raison de quoi nous la caract&eacute;risons
comme <I>assertion subjective</I>, &agrave; savoir que le sujet logique
&agrave; chacun de ces moments.
<P>La r&eacute;f&eacute;rence &agrave; ces deux sujets manifeste bien la
valeur logique du sujet de l'assertion. Le premier, qui s'exprime dans
l' "<I>on</I>" de l' "<I>on sait que...</I>", ne donne que la forme g&eacute;n&eacute;rale
propre est assez parall&egrave;le &agrave; sa naissance psychologique.
De m&ecirc;me que, pour le rappeler en effet, le "je" psychologique se
d&eacute;gage d'un [[transitivisme ]] sp&eacute;culaire ind&eacute;termin&eacute;,
par l'appoint d'une tendance &eacute;veill&eacute;e comme jalousie, le
"<I>je</I>" dont il s'agit ici se d&eacute;finit par la subjectivation
que la forme dite existentielle) du "<I>je</I>" psychologique<A NAME="bknote3"></A><SUP><A HREF="#note3">[3]</A></SUP>.
<P>Ce qui manifeste bien la valeur essentiellement subjective ("<I>assertive</I>"
dans notre terminologie) de la conclusion du sophisme, c'est l'ind&eacute;termination
o&ugrave; sera tenu un observateur (le directeur de la prison qui surveille
des deux autres, il sera seul &agrave; se d&eacute;clarer tel en ces termes.
<P>Enfin, le jugement assertif se manifeste ici par un <I>acte</I>. <B>La
pens&eacute;e moderne a montr&eacute; que tout jugement est essentiellement
un acte</B>, et les contingences dramatiques ne font ici qu'isoler cet
par le sophisme c'est qu'il anticipe sur sa certitude en raison de la tension
temporelle dont il est charg&eacute; subjectivement et qu’&agrave; condition
de cette [[anticipation ]] m&ecirc;me, sa certitude se v&eacute;rifie dans une
pr&eacute;cipitation logique que d&eacute;termine la d&eacute;charge de
cette tension, pour qu'enfin la conclusion ne se fonde plus que sur des
ce qui suit.
<P>D'abord repara&icirc;t le <I>temps objectif</I> de l'intuition initiale
du mouvement qui, comme aspir&eacute; entre l'instant de son d&eacute;but
et la h&acirc;te de sa lin, avait paru &eacute;clater comme une bulle.
de conclure</I>.
<P>Assur&eacute;ment, si le doute, depuis [[Descartes]], est int&eacute;gr&eacute;
&agrave; la valeur du jugement, il faut remarquer que, pour la forme d'assertion
ici &eacute;tudi&eacute;e, cette valeur tient moins au doute qui la suspend
qu'&agrave; la <I>certitude anticip&eacute;e</I> qui l'a introduite.
<P>Mais, pour comprendre la fonction de ce doute quant au sujet de l'assertion,
voyons ce que vaut objectivement la premi&egrave;re suspension pour l'observateur
que nous avons d&eacute;j&agrave; int&eacute;ress&eacute; &agrave; la motion
d'ensemble des sujets. Rien de plus que ceci c'est que chacun, s'il &eacute;tait
[[impossible ]] jusque-l&agrave; de juger dans quel sens il avait conclu, rnanifeste
une incertitude de sa conclusion, mais qu'il l'aura certainement confort&eacute;e
si elle &eacute;tait correcte, rectifi&eacute;e peut-&ecirc;tre si elle
&eacute;tait erron&eacute;e.
<P>Si, en effet, subjectivement, l'un quelconque a su prendre les devants
et s'il s'arr&ecirc;te, c'est qu'il s'est pris &agrave; douter s'il a bien
saisi le <I>moment de conclure</I> qu'il &eacute;tait un blanc, mais il
&agrave; tout autre qu'&agrave; lui-m&ecirc;me.
<P>Mais la descente logique se poursuit vers le second temps de suspension.
Chacun des sujets, s'il a ressaisi la certitude subjective du <I>moment
de conclure</I>, peut &agrave; nouveau la mettre en doute. Mais elle est
pas un noir.
<P>Ici le temps subjectif du <I>moment de conclure</I> s'objective enfin.
Comme le prouve ceci que, m&ecirc;me si l'un quelconque des sujets ne l'avait
pas saisi encore, il s'impose &agrave; lui pourtant maintenant; le sujet,
son jugement.
<P>Ainsi l'assertion de certitude du sophisme vient, dirons-nous, au terme
du rassemblement logique des deux motions suspendues dans l'acte o&ugrave;
elles s'ach&egrave;vent, &agrave; <I>se d&eacute;subjectiver au plus bas</I>.
blanc.
<P>Enfin, l'on peut remarquer qu’&agrave; ce m&ecirc;me moment, si tout
sujet peut, &agrave; l'enqu&ecirc;te, exprimer la certitude qu'il a enfin
v&eacute;rifi&eacute;e, par l'<I>assertion subjective</I> qui la lui a
v&eacute;rifi&eacute;e que de sa <I>pr&eacute;somption</I>, si l'on peut
dire, dans l'assertion qu'il constitue. Elle se r&eacute;v&egrave;le ainsi
d&eacute;pendre d'une tendance qui la vise, [[notion ]] qui serait un paradoxe
logique, si elle ne se r&eacute;duisait &agrave; la tension temporelle
qui d&eacute;termine le moment de conclure.
<P>La v&eacute;rit&eacute; se manifeste dans cette forme comme devan&ccedil;ant
l'erreur et s'avan&ccedil;ant seule dans l'acte qui engendre sa certitude;
inversement <B>l'erreur, comme se confirmant de son inertie</B>, et se
redressant mal &agrave; suivre l'initiative conqu&eacute;rante de la v&eacute;rit&eacute;.
<P>Mais &agrave; quelle sorte de relation r&eacute;pond une telle forme
logique? A une forme d'objectivation qu'elle engendre dans son mouvement,
c'est &agrave; savoir &agrave; la r&eacute;f&eacute;rence d'un "<I>je</I>"
peu que l'<I>instant du regard</I>.
<P>Il n'est que de faire appara&icirc;tre au terme logique des <I>autres</I>
la moindre disparate pour qu'il s'en manifeste combien <B>la v&eacute;rit&eacute;
pour tous d&eacute;pend de la rigueur de chacun</B>, et m&ecirc;me que
uns, peut engendrer, sinon confirmer, l'erreur chez les autres. Et encore
ceci que, si dans cette course &agrave; la v&eacute;rit&eacute;, on n'est
que seul, si l'on n'est tous, &agrave; toucher au [[vrai]], aucun n'y touche
pourtant sinon par les autres.
<P>Assur&eacute;ment ces formes trouvent facilement leur application dans
la pratique &agrave; une table de bridge ou &agrave; une conf&eacute;rence
diplomatique, voire dans la manœuvre du "[[complexe]]" en pratique psychanalytique.
<P>Mais nous voudrions indiquer leur apport a la notion logique de collectivit&eacute;.
<P><I>Tres faciunt collegium</I>, dit l'adage, et la <I>collectivit&eacute;</I>
est d&eacute;j&agrave; int&eacute;gralement repr&eacute;sent&eacute;e dans
la forme du sophisme, puisqu'elle se d&eacute;finit comme un groupe form&eacute;
comme une classe comprenant abstraitement un nombre ind&eacute;fini d'individus.
<P>Mais il suffit de d&eacute;velopper par r&eacute;currence la d&eacute;monstration
du sophisme pour voir qu'il peut s'appliquer logiquement a un nombre illimit&eacute;
de sujets<A NAME="bknote4"></A><SUP><A HREF="#note4">[4]</A></SUP>, &eacute;tant
nombre &eacute;gal au nombre des sujets moins un<A NAME="bknote5"></A><SUP><A HREF="#note5">[5]</A></SUP>.
Mais l'objectivation temporelle est plus difficile &agrave; concevoir &agrave;
mesure que la collectivit&eacute; s'accro&icirc;t, [[semblant ]] faire obstacle
&agrave; une <I>logique collective</I> dont on puisse compl&eacute;ter
la logique classique.
<P>Nous montrerons pourtant quelle r&eacute;ponse une telle logique devraitapporter &agrave; l'inad&eacute;quation qu'on ressent d'une [[affirmation]]telle que "Je suis un [[homme]]", &agrave; quelque forme que ce soit de la
logique classique, qu'on la rapporte en conclusion de telles pr&eacute;misses
que l'on voudra. ("<I>L'homme est un [[animal ]] raisonnable</I>"..., etc.)
<P>Assur&eacute;ment plus pr&egrave;s de sa valeur v&eacute;ritable appara&icirc;t-elle
pr&eacute;sent&eacute;e en conclusion de la forme ici d&eacute;montr&eacute;e
de l'assertion subjective anticipante, &agrave; savoir comme suit :
<P>&nbsp; 1&deg; Un homme sait ce qui n'est pas un homme;
<P>&nbsp; 2&deg; Les hommes se reconnaissent entre eux pour &ecirc;tre
des hommes;
<P>&nbsp; 3&deg; Je m'affirme &ecirc;tre un homme, de peur d'&ecirc;tre
convaincu par les hommes de n'&ecirc;tre pas un homme.
<P>Mouvement qui donne la forme logique de toute assimilation "humaine",
en tant pr&eacute;cis&eacute;ment qu'elle se pose comme assimilatrice d'une
barbarie, et qui pourtant r&eacute;serve la d&eacute;termination essentielle
<BR><FONT SIZE=-2>&nbsp;</FONT>
<BR><A NAME="note1"></A><FONT SIZE=-1><A HREF="#bknote1">[1]</A> Et non
moins celle des esprits form&eacute;s par cette [[tradition]], comme en t&eacute;moigne
le billet suivant que nous re&ccedil;&ucirc;mes d'un esprit pourtant aventureux
en d'autres domaines, apr&egrave;s une soir&eacute;e o&ugrave; la discussion
d'une laborieuse mise au point.</FONT>
<P><FONT SIZE=-1>&nbsp; "Mon cher Lacan, ce mot en h&acirc;te pour diriger
votre r&eacute;flexion sur une nouvelle difficult&eacute; &agrave; vrai
dire, le raisonnement admis hier n'est pas concluant, car aucun des trois
comportement des autres la couleur de son disque."</FONT>
<P><FONT SIZE=-1>Ainsi, notre contradicteur, pour trop bien <I>voir </I>le
cas, restait-il aveugle &agrave; ceci que ce n'est pas le d&eacute;part
des autres, mais leur attente, qui d&eacute;termine le jugement du sujet.
de la h&acirc;te en logique.</FONT>
<P><A NAME="note2"></A><FONT SIZE=-1><A HREF="#bknote2">[2]</A> "Irr&eacute;ductibles",
comme s'exprime le contradicteur cit&eacute; dans la note ci-dessus.</FONT>
<P><A NAME="note3"></A><FONT SIZE=-1><A HREF="#bknote3">[3]</A> Ainsi le"je", tierce forme du sujet de l'&eacute;nonciation dans la logique, y
est encore la "premi&egrave;re personne", mais aussi la seule et la derni&egrave;re.
Car la deuxi&egrave;me personne grammaticale rel&egrave;ve d'une autre
fonction du [[langage]]. Pour la troisi&egrave;me personne grammaticale, elle
n'est que pr&eacute;tendue c'est un d&eacute;monstratif, &eacute;galement
applicable au [[champ ]] de l'&eacute;nonc&eacute; et &agrave; tout ce qui s'yparticularise.</FONT> <P><A NAME="note4"></A><FONT SIZE=-1><A HREF="#bknote4">[4]</A> En voicil'exemple pour quatre sujets, quatre disques blanc, trois disques noirs.</FONT> <P><FONT SIZE=-1BR>A pense que, s'il &eacute;tait un noir, l'un quelconquede B, C, D pourrait penser des deux autres que, si lui-m&ecirc;me &eacute;taitnoir, ceux-ci ne tarderaient pas &agrave; savoir qu'ils sont des blancs.<BR>L'un quelconque de B, C, D devrait donc en conclure rapidement qu'il estlui-m&ecirc;me blanc, ce qui n'appara&icirc;t pas. Lors A se rendant compteque, s'ils le voient lui noir, B, C, D ont sur lui l'avantage de n'avoirpas &agrave; en faire la supposition, se h&acirc;te de conclure qu'il estun blanc.</FONT> <P><FONT SIZE=-1BR>Mais ne sortent-ils pas tous en m&ecirc;me temps que lui?<BR>A, dans le doute, s’arr&ecirc;te, et tous aussi. Mais, si tous aussi s’arr&ecirc;tent,qu'est-ce &agrave; dire? Ou bien c'est qu'ils s’arr&ecirc;tent en proieau m&ecirc;me doute que A, et A peut reprendre sa course sans souci. Oubien c'est que A est noir, et que l'un quelconque de B, C, D est venu &agrave;douter Si le d&eacute;part des deux autres ne signifierait pas qu'il estun noir, aussi bien &agrave; penser que, s'ils s’arr&ecirc;tent, ce n'estpas pour autant qu'il soit lui-m&ecirc;me blanc, puisque l'un ou l'autrepeut encore douter un instant s'il n'est pas un noir; encore peut-il poserqu'il devraient tous les deux repartir avant lui s'il est lui-m&ecirc;meun noir, et repartir lui-m&ecirc;me de cette attente vaine, assur&eacute;d'&ecirc;tre ce qu'il est, c’est-&agrave;-dire blanc. Que B, C, D, doncne le font-ils? Car alors je le fais, dit A. Tous repartent alors.</FONTBR> <P><FONT SIZE=-1BR>Second arr&ecirc;t. En admettant que je sois noir, sedit A, l'un quelconque de B, C, D doit maintenant &ecirc;tre fix&eacute;sur ceci qu'il ne saurait imputer aux deux autres une nouvelle h&eacute;sitation,s'il &eacute;tait noir; qu'il est donc blanc. B, C, D doivent donc repartiravant lui. Faute de quoi A repart, et tous avec<B> </B>lui.</FONT> <PBR><FONT SIZE=-1BR>Troisi&egrave;me arr&ecirc;t. Mais tous doivent savoir
d&egrave;s lors qu'ils sont des blancs, si j'&eacute;tais vraiment noir,
se dit A. Si donc, ils s'arr&ecirc;tent...</FONT> <PBR><FONT SIZE=-1BR>Et la certitude est v&eacute;rifi&eacute;e en trois <I>scansionssuspensive.</I></FONT> <P><A NAME="note5"></A><FONT SIZE=-1><A HREF="#bknote5">[5]</A> Cf. lacondition de ce moins un dans l'attribut avec la fonction psychanalytiquede l'Un-en-plus dans le sujet de la [[psychanalyse]], p. 480 de ce recueil(Les &eacute;crits).</FONT> <P><A NAME="note6"></A><FONT SIZE=-1><A HREF="#bknote6">[6]</A> Que lelecteur qui poursuivra dans ce recueil, revienne &agrave; cette r&eacute;f&eacute;renceau collectif qui est la fin de cet article, pour en [[situer ]] ce que [[Freud]] a produit sous le registre de la [[psychologie ]] collective <I>(Massen : PsychoIogiePsychologie und Ichana1yse, </I>1920<B>) : le collectif n'est rien, que le sujet del'individuel.</B></FONT>
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