Text/Jacques Lacan/ID06061962.htm

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'J.LACAN'                         gaogoa

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IX-L'IDENTIFICATION

            Version rue CB                                    [#note note]

S�minaire du 6 juin 1962

    

    (->p475) (XXIII/1) Nous allons continuer aujourd'hui � �laborer la fonction de ce qu'on peut  appeler le signifiant de la coupure, ou encore le 8 int�rieur, ou encore 1e lac, ou encore ce que j'ai appel� 1a derni�re fois le signifiant polonais. Je voudrais pouvoir lui donner un nom encore moins signifiant , pour essayer d'approcher ce qu'il a de purement signifiant.

    Nous nous sommes avanc�s sur ce terrain tel qu'il se pr�sente, c'est-�-dire dans une remarquable ambigu�t�, puisque, pure ligne, rien n'indique  qu'il se recoupe comme la forme o� je l'ai dessin� l� je vous le rappelle mais en m�me temps laisse ouverte la possibilit� de ce recoupement. Bref, ce signifiant ne pr�juge en rien de l'espace o� il se situe. N�anmoins pour en faire quelque chose, nous posons que c'est autour de ce signifiant de la coupure que s'organise ce que nous appelons la surface, au sens o� ici nous l'entendons.

    La derni�re fois, je vous rappelais - car ce n'est pas la premi�re fois que je le montrais devant vous - comment peut  se construire la surface du tore autour, et autour seulement, d'une coupure, d'une coupure ordonn�e, manipul�e de cette fa�on quadrilat�re  que la formule ... exprim�e par la succession d'un A, d'un B, puis d'un A' et d'un B', nos t�moins respectivement pour autant qu'ils peuvent �tre rapport�s, accol�s aux deux pr�c�dents, dans une disposition que nous pouvons qualifier, en g�n�ral, par deux termes orient�e d'une part, crois�e d'autre part.  

    Je vous ai montr� le rapport, le rapport si l'on peut dire , exemplaire du premier aspect, m�taphorique et dont justement la question est de savoir si cette m�taphore d�passe si l'on peut dire, le pur plan de la m�taphore, le rapport m�taphorique,          (2 mots illisibles-note du claviste) , qu'il peut rendre du rapport du sujet � l'Autre, � condition qu'explorant la structure du (->p476) (XXIII/2) tore nous apercevions que nous pouvons mettre deux tores en tant qu'encha�n�s l'un � l'autre, dans un mode de correspondance tel qu'� tel cercle privil�gi� sur l'un des deux que nous avons fait correspondre pour des raisons analogiques � la fonction de la demande, � savoir cette sorte de cercle tournant dans la forme famili�re de la bobine qui nous para�t particuli�rement propice � symboliser la r�p�tition de la demande pour autant qu'elle entra�ne cette sorte de n�cessit� de se boucler, s'il est exclu qu'elle se recoupe apr�s de nombreuses r�p�titions aussi multipli�es que nous pouvons le supposer ad libitum, pour avoir fait ce bouclage, avoir dessin� le tour, le contour d'un autre vide que celui qu'elle cerne, celui que nous avons distingu� 1e premier, lui d�finissant cette place du rien dont le circuit dessin� pour lui-m�me nous sert � symboliser, sous la forme de l'autre cercle topologiquement d�fini dans la structure du tore, l'objet du d�sir.

Pour ceux donc qui n'�taient pas l� (je sais qu'il y en a dans cette assembl�e) j'illustre ce que je viens de dire par cette forme tr�s simple,  

File:Demande.jpg

par cette forme tr�s simple, en r�p�tant que cette boucle du bobinage de la demande, qui se trouve autour du vide constitutif du tore, se trouve dessiner ce qui nous sert � symboliser le cercle de l'objet du d�sir, � savoir tous les cercles qui font le tour du trou central de l'anneau.

Il y a donc deux sortes de cercles privil�gi�s sur un tore
-
ceux; qui se dessinent autour du trou central,  

et ceux qui le traversent.

Un cercle peut cumuler les deux propri�t�s. C'est pr�cis�ment ce qui arrive avec ce cercle ainsi dessin� ;

Je le mets en pointill� quand il passe de l'autre c�t�.

File:Desir.jpg

(->p477) (XXIII/3)

Quadri par Dirk Verdoorn.jpg

Sur la surface quadrilat�re du polygone fondamental qui sert � montrer d'une fa�on claire et univoque la structure du tore, je symbolise ici, pour employer les  m�mes couleurs, de 1� � l�, un cercle dit cercle de la demande, de l� � l�, un cercle dit cercle a, symbolisant l'objet du d�sir.
Et c'est ce cercle-l� que vous voyez sur la premi�re figure, qui est ici dessin� en jaune, repr�sentant le cercle oblique, qui pourrait � la rigueur nous servir � symboliser, comme coupure du sujet, le d�sir lui-m�me.  

    La valeur expressive, symbolique, du tore, en l'occasion, est pr�cis�ment de nous faire voir la difficult�, pour autant qu'il s'agit de la surface du tore et non d'une autre, d'ordonner ce cercle, ici, jaune, du d�sir, avec le cercle, ici, bleu, de l'objet du d�sir.  

File:Torerect.jpg

    Leur relation est d'autant moins univoque que l'objet n'est ici fix�, d�termin� par rien d'autre que par la place d'un rien qui, si l'on peut dire, pr�figure sa place �ventuelle, mais d'aucune fa�on ne permet de le situer.

    Telle est la valeur exemplaire du tore.  

    Vous avez entendu la derni�re fois que cette valeur exemplaire se compl�te de ceci qu'� le supposer encha�n�, concat�n� avec un autre tore en tant qu'il symboliserait l'Autre, nous voyons qu'assur�ment ceci - je vous l'ai dit - se d�montre - je vous ai laiss� le soin, cette d�monstration, de la trouver vous-m�me, pour ne pas nous attarder -, nous voyons qu'assur�ment � d�calquer ainsi le cercle du d�sir projet� sur le premier tore - sur le tore qui s'embo�te � lui, symbolisant le lieu de l'Autre - nous trouvons un cercle orient� die la m�me fa�on.

    Rappelez-vous. Vous avez, repr�sent� en face de cette figure que ,  je recommencerai si la chose ne vous para�t pas trop fastidieuse, le d�calque qui est une image sym�trique. Nous aurons alors une ligne oblique, orient�e du sud au nord, que nous pourrons dire invers�e, sp�culaire � proprement parler.

    (->p478) (XXIII/4) Mais la bascule � 90 degr�s, correspondant � l'embo�tement � 90� des deux tores, restituera la m�me obliquit�. Autrement dit, apr�s avoir pris effectivement - ce sont des exp�riences tr�s faciles � r�aliser qui ont toute la valeur d'une exp�rience - ces deux tores et avoir fait effectivement, par la m�thode de rotation d'un tore � l'int�rieur de l'autre que je vous ai d�sign�e la derni�re fois, ce d�calque, ayant relev� si l'on peut dire la trace de ces deux cercles arbitrairement dessin�e sur l'un et d�termin�e d�s lors sur l'autre, vous pourrez voir, � les comparer ensuite, qu'ils sont exactement, au cercle qui les sectionne, superposables l'un � l'autre.

    En quoi donc cette image s'av�re appropri�e � repr�senter la formule que le d�sir du sujet est le d�sir de l'Autre.

    N�anmoins, vous ai-je dit, si nous supposons, non pas ce simple cercle dessin� dans cette propri�t�, dans cette d�finition topologique particuli�re d'� la fois entourer le trou et le traverses, mais de lui faire deux fois la travers�e du trou, et une seule fois son entour c'est-�-dire sur le polygone fondamental de se pr�senter ainsi (croquis), ces deux points ici �tant �quivalents, nous avons alors quelque chose qui, sur le d�calque, au niveau de l'Autre, se pr�sente selon la formule suivante  

File:Decalque.jpg

    Si vous voulez, disons que la r�alisation de deux fois le tour, qui correspond � la fonction de l'objet et au transfert sur le d�calque sur l'autre tore, en deux fois, de la demande selon la formule d'�quivalence qui est pour nous en cette occasion pr�cieuse, c'est de symboliser ceci que, dans une certaine forme de structure subjective, 1a demande du sujet consiste dans l'objet de l'Autre, l'objet du sujet consiste dans la demande de l'Autre. Recoupement : alors 1a superposition des deux termes, apr�s la bascule, n'est plus possible.

    Apr�s la bascule � 90� (croquis) la coupure est celle-ci, laquelle (->p479) (XXIII/5) ne se superpose pas � la forme pr�c�dente.

    Nous y avons reconnu une correspondance qui nous est d'ores et d�j� famili�re, pour autant que ce nous pouvons exprimer du rapport du n�vros� � l'Autre en tant qu'il conditionne au dernier terme sa structure, est pr�cis�ment cette �quivalence crois�e de la demande du sujet � l'objet de l'autre, de l'objet du sujet � la demande de l'autre. On sent l� dans une sorte d'impasse o� tout au moins d'ambigu�te la r�alisation de 1'identit� des deux d�sirs.

    Ceci est �videmment aussi abr�g� que possible comme formule et bien s�r suppose d�j� une familiarit� acquise avec ces r�f�rences, lesquelles supposent tout notre discours ant�rieur.

    La question donc restant ouverte, �tant celle que nous allons aborder aujourd'hui d'une structure qui nous permette de formaliser d'une fa�on exemplaire, ric a de ressources, de suggestions, qui nous donne un support de qu'est ce vers quoi pointe notre recherche pr�cis�ment, � savoir la fonction du fantasme, c'est-�-cette fin que peut nous servir la structure particuli�re dite du cross-cap ou du plan projectif, pour autant que d�j� aussi je vous en ai donn� une suffisante indication pour que cet objet vous soit, sinon tout-�-fait familier, du moins que d�j� vous ayez tent� d'approfondir ce qu'il repr�sente comme propri�t�s exemplaires.

    Je m'excuse donc d'entrer � partir de maintenant , dans une explication  qui, pour un instant, va rester tr�s �troitement li�e � cet objet d'une g�om�trie particuli�re dite topologique, g�om�trie non m�trique mais topologique, dont d�j� je vous ai fait remarquer autant que j'ai pu au passage quelle id�e vous devez vous en faire, quitte � ce que, apr�s vous �tre donn�s la peine de me suivre dans ce que je vais maintenant vous expliquer, vous en soyez ensuite r�compens�s par ce qu'il nous permettra de supporter comme formule concernant l'organisation subjective qui est celle qui nous int�resse, parce qu'il nous permettra d'exemplifier comme �tant la structure authentique du d�sir en ce qu'on pourrait appeler sa fonction centrale organisante.

     Bien s�r, je ne suis pas sans r�luctance au moment, une fois de plus, de vous entra�ner sur des terrains qui peuvent n'�tre pas sans vous fatiguer. C'est pourquoi je me r�f�rerai un instant � deux termes qui se trouvent �tre proches dans mon exp�rience et qui vont me donner l'occasion - d'abord premi�re r�f�rence - de vous annoncer la parution (->p480) (XXIII/6) imminente de la traduction par quelqu'un d'�minent qui nous fait aujourd'hui l'honneur de sa visite, � savoir; M. de Wahlens.  M. de Wahlens vient de faire la traduction - dont on ne saurait trop s'�tonner qu'elle n'ait pas �t� r�alis�e plus t�t - de l'�tre et le Temps, "Sein and Zeit", tout au moins d'amener jusqu'� son point d'ach�vement la premi�re partie du volume paru dont vous savez qu'il n'est que la premi�re partie d'un projet dont la seconde partie n'est jamais venue � jour. Donc en cette premi�re partie, il y a deux sections ; et la premi�re section est d'ores-et d�j� traduite par M. de Wahlens qui m'a fait le grand honneur, la faveur de me la communiquer, ce qui m'a permis de prendre connaissance moi-m�me de cette partie - la moiti� encore seulement - et je dois dire, avec un infini plaisir, un plaisir qui va me permettre de m'en offrir un second c'est de dire enfin, � cet endroit, ce que j'ai sur le coeur depuis longtemps et que je me suis toujours dispens� de professer en public, parce qu'� la v�rit�, vu la r�putation de cet ouvrage dont je ne crois pas que beaucoup de personnes ici l'ayant lu , cela aurait eu l'air d'une provocation.

    C'est ceci : c'est qu'il y a peu de textes plus clairs, enfin d'une clart� et d'une simplicit� concr�te et enfin directe - je ne sais pas quelles sont les qualifications qu'il faut que j'invente pour ajouter  une dimension suppl�mentaire � l'�vidence - que les textes de Heidegger.  Ce n'est pas parce que ce qu'en a fait M. Sartre est effectivement assez difficile � lire que cela retire rien au fait que ce texte-l� de Heidegger - je ne dis pas : tous les autres - est un texte qui porte en lui cette sorte de surabondance de clart� qui rend v�ritablement accessible, sans aucune difficult�, � toute intelligence non intoxiqu�e par un enseignement philosophique pr�alable.

    Je peux vous le dire maintenant, parce que vous aurez tr�s bient�t l'occasion de vous apercevoir gr�ce � la traduction de M. de Wahlens vous verrez � quel point c'est ainsi.

    La deuxi�me remarque est celle-ci, que vous pourrez constater du m�me coup : des assertions se sont v�hicul�es, dans des follicules bizarres de la part d'une "baveuse" de profession que mon enseignement est n�o-heidegg�rien. Ceci �tait dit dans une intention nocive. La personne probablement a mis n�o en raison d'une certaine prudence ; comme elle ne savait ni ce que voulait dire heidegg�rien, ni non plus ce que voulait dire mon enseignement, cela la mettait � l'abri d'un certain nombre de r�futations que cet enseignement qui est le mien n'a v�ritablement rien de n�o , ni d'heidegg�rien, malgr� l'excessive r�v�rence que j'ai pour (->p481) (XXIII/7) l'enseignement d'Heidegger.

    La troisi�me remarque est li�e � une seconde r�f�rence, � savoir que quelque chose va para�tre - vous allez �tre r�gal�s d'ici peu - qui est au moins aussi important - enfin, l'importance ne se mesure pas dans des domaines diff�rents avec un centim�tre - qui est tr�s important aussi disons : c'est le volume - qui n'est pas encore en librairie, m'a-t-on dit de Claude L�vi-Strauss, qui s'appelle "La pens�e sauvage" .

... I1 est paru, me dites-vous. J'esp�re que vous avez d�j� commencer � vous amuser. Gr�ce aux soins que m'impose notre S�minaire, je ne me suis pas avanc� tr�s loin, mais j'ai lu les pages inaugurales magistrales, par o� Claude L�vi-Strauss entre dans l'interpr�tation de ce qu'il appelle la pens�e sauvage, qu'il faut entendre - comme, je pense, son interview dans "le Figaro" vous l'a d�j� appris - non pas comme la pens�e des sauvages mais comme peut-on dire l'�tat sauvage de la pens�e, disons : la pens�e en tant qu'elle fonctionne bien, efficacement, avec tous les caract�res de la pens�e, avant d'avoir pris la forme de la pens�e scientifique, de la pens�e scientifique moderne avec son statut. Et Claude Levi-Strauss nous montre qu'il est tout-�-fait impossible de mettre l� une coupure si radicale puisque la pens�e qui n'a pas encore conquis son statut scientifique est tout-�-fait d�j� appropri�e � porter certains effets scientifiques.

   Telle est, du moins, sa vis�e apparente � son d�part, et il prend singuli�rement comme exemple pour illustrer ce qu'il veut en dire, de la pens�e sauvage, quelque chose ou sans doute entend-il rejoindre ce quelque chose de commun qu'il y aurait avec la pens�e disons telle que, il le souligne, telle qu'elle a port� des fruits fondamentaux � partir du moment lui-m�me qu'on ne peut pas qualifier d'absolument anhistorique puisqu'il le pr�cise : la pens�e � partir de l'�re n�olithique qui donne, nous dit-il encore, tous ses fondements � notre assiette dans le monde. Pour l'illustrer, si je puis dire, encore fonctionnant � notre port�e, il ne trouve rien d'autre et rien de mieux que de l'exemplifier sous une forme sans doute non unique, mais privil�gi�e par sa d�monstration sous la forme de ce qu'il  appelle le bricolage.

    Ce passage a tout le brillant que nous lui connaissons, l'originalit� propre � cette sorte d'abrupt, de nouveaut�, de chose qui bascule et renverse les perspectives banalement re�ues, et c'est un morceau qui assur�ment est fort suggestif.

    Mais il m'a paru justement particuli�rement suggestif pour moi, apr�s (->p482) (XXII/482) la relecture que je venais de faire, gr�ce � M. de Wahlens, des th�mes heidegg�riens, pr�cis�ment en tant qu'il prend comme exemple dans sa recherche du statut, si l'on peut dire, de la connaissance en tant qu'il peut s'�tablir dans une approche qui pour l'�tablir pr�tend cheminer � partir de l'interrogation concernant ce qu'il appelle "l'�tre-l�", c'est-�-dire la forme la plus voil�e � la fois et la plus imm�diate d'un certain type d'�tant, le fait d'�tre qui est celui particulier � l'�tre humain, on ne peut manquer d'�tre frapp�, encore que probablement la remarque r�volterait autant l'un et l'autre de ces auteurs, de la surprenante identit� sur lequel l'un et l'autre s'avancent.

    Je veux dire que ce que rencontre d'abord Heidegger dans cette recherche, c'est un certain rapport de l'�tre-l� � un �tant qui est d�fini comme ustensile, comme outil, comme ce quelque chose qu'on a sous sa main pour employer le terme dont il se sert, comme Zuhandenheit pour ce qui est � la main.

    Telle est la premi�re forme de lien, non pas au monde, mais � l'�tant, que Heidegger nous dessine. Et c'est seulement � partir de l�, � savoir, si l'on peut dire, dans les implications, la possibilit� d'une pareille relation, qu'il va, dit-il, donner son statut propre � ce qui fait le premier grand pivot de son analyse : la fonction de l'�tre dans son rapport avec le temps, � savoir la Weltlich eit que M. de Wahlens a traduit par "les mondanit�s", � savoir la constitution du monde en quelque sorte pr�alable, pr�alable � ce niveau de l'�tre-l� qui ne s'est pas d�tach� encore � l'int�rieur de l'�tant, ces sortes d'�tant que nous pouvons consid�rer comme purement et simplement subsistant par eux-m�mes.

    Le monde est autre chose que l'ensemble, l'englobement de tous ces �tres qui existent, subsistent par eux-m�mes, auxquels nous avons � faire au niveau de cette conception du monde qui nous para�t si imm�diatement naturelle - et pour cause - parce que c'est celle que nous appelons la nature. L'ant�riorit� de la constitution de cette mondanit� par rapport au moment o� nous pouvons la consid�rer comme nature, tel est l'intervalle que pr�serve, par son analyse, Heidegger.

    Ce rapport primitif d'ustensilit� pr�figurant l'Umwelt ant�rieur encore � l'entourage qui ne se constitue, par rapport � lui, que secondairement. c'est l� la d�marche d'Heidegger et c'est exactement la m�me je ne crois pas l� rien dire qui puisse �tre retenu comme une critique qui certes, apr�s tout ce que je connais de la pens�e et des dires de  Claude Levi-Strauss, nous para�t bien la d�marche  la plus oppos�e (->p483) (XXIII/9) � la sienne pour autant que ce qu'il donne comme statut � la recherche d'ethnographie ne se produirait que dans une position d'aversion par .rapport � la recherche m�taphysique ou m�me ultra-m�taphysique d'Heidegger pourtant c'est bien la m�me que nous trouvons dans ce premier pas par lequel Claude Levi-Strauss entend nous introduire � la pens�e sauvage sous la forme de ce bricolage qui n'est pas autre chose que la m�me analyse, simplement en des termes diff�rents, un �clairage � peine modifi�, une vis�e sans doute distincte de ce m�me rapport � l'ustensilit� comme �tant ce que l'un et l'autre consid�rent comme ant�rieur, comme primordial par rapport � cette sorte d'acc�s structur� qui est le n�tre par rapport au champ de l'investigation scientifique, en tant qu'il permet de le distinguer comme fond� sur une articulation de "l'objectit� " qui soit en quelque sorte autonome, ind�pendante de ce qui est � proprement parler notre existence et que nous ne gardons plus avec lui que ce rapport dit "sujet-objet" qui est ce point o� se r�sume � ce jour tout ce que nous pouvons articuler de l'�pist�mologie.

    Eh bien disons, pour le fixer une fois, ce que notre entreprise ici en tant qu'elle est fond�e sur l'exp�rience analytique a de distinct par rapport autant � l'une que l'autre de ces investigations dont je viens de vous montrer le caract�re parall�le, c'est que nous aussi, nous cherchons ici ce statut, si l'on peut dire, ant�rieur � l'acc�s classique du statut de l'objet, enti�rement concentr� dans l'opposition sujet-objet. Et nous le cherchons dans quoi ? Dans ce quelque chose qui, quel qu'en soit le caract�re �vident d'approche, d'attraction dans la pens�e, autant celle d'Heidegger que celle de Claude Levi-Strauss, en est pourtant bel et bien distinct, puisque ni l'un ni l'autre ne nomme comme tel cet objet comme objet du d�sir.

    Le statut primordial de l'objet pour disons en tout cas une pens�e analytique ne peut �tre et ne saurait �tre autre chose que 1'objet du d�sir. Toutes les confusions dont s'est embarrass�e jusqu'ici la th�orie analytique sont cons�quences de ceci : d'une tentative, de plus d'une tentative, de tous les modes possibles de tentative pour r�duire ce qui s'impose � nous, � savoir cette recherche du statut de l'objet du d�sir, pour le r�duire � des r�f�rences d�j� connues dont la plus simple et la plus commune est celle du statut de l'objet de la science en tant qu'une �pist�mologie philosophante l'organise dans l'opposition derni�re et radicale sujet-objet en tant qu'une interpr�tation plus ou moins infl�chie par 1es nuances de la recherche ph�nom�nologique peut  � la rigueur en parler comme l'objet du d�sir.

(->p484) (XXIII/10)

    Ce statut de l'objet du d�sir comme tel reste toujours �lud� dans toutes ses formes jusqu'ici articul�es de la th�orie analytique ; et ce que nous cherchons ici est pr�cis�ment � lui donner son statut propre. C'est dans cette ligne que se situe la vis�e que je poursuis devant vous pour l'instant.

    Voici donc les figures o� aujourd'hui je vais essayer de vous faire remarquer ce qui nous int�resse dans cette structure de surface dont les propri�t�s privil�gi�es sont faites pour nous retenir comme support structurant de ce rapport du sujet � l'objet du d�sir, en tant qu'il se situe

Cross1.jpg

comme supportant tout ce que nous pouvons articuler � quelque niveau que ce soit de l'exp�rience analytique, autrement dit comme cette structure que nous appelons le fantasme fondamental.

    Pour ceux qui n'�taient pas l� au S�minaire pr�c�dent, je rappelle cette forme ici (croquis) dessin�e en blanc : c'est cela que nous appelons cross-cap ou pour �tre plus pr�cis - puisque, je vous l'ai dit, une certaine ambigu�t� reste sur l'usage de ce terme cross-cap - : le plan projectif .

    Comme son dessin ici � la craie blanche ne suffit pas, pour ceux qui ne l'ont pas encore appr�hend�, � vous faire repr�senter ce que c'est. je vais essayer de vous le faire imaginer en vous le d�crivant comme si cette surface �tait l� constitu�e en baudruche.  

Pour �tre encore plus clair, je vais partir de la base. Supposez que vous ayez deux arceaux comme ceux d'un pi�ge � loup (croquis). C'est cela qui va nous servir � repr�senter la coupure. Si nous orientons les deux cercles du pi�ge � loup dans le m�me sens, cela veut 

Monfort (Gers), arceaux.jpg

(->p485) (XXIII/11) dire que nous allons simplement les refermer l'un sur l'autre. Si vous avez une baudruche, pr�cis�ment si vous soufflez dedans et si vous refermez le pi�ge � loup, il est tout de m�me � la port�e des imaginations �l�mentaires de voir que vous allez faire une sph�re.

    Si le souffle ne vous para�t pas suffisant, vous remplissez d'eau jusqu'� ce que vous obteniez cette forme-ci, vous refermez les deux demi-cercles du pi�ge � loup, et vous avez une sph�re � demi pleine ou a demi-vide.

    Je vous ai d�j� expliqu� comment au lieu de cela on peut faire un tore. Un tore, c'est cela : vous mettez les deux coins de ce mouchoir rejoints en l'air comme cela et les deux autres par en dessous comme ceci, et cela suffit � faire un tore. L'essentiel du tore est l�, puisque vous avez ici le trou central et ici le vide circulaire autour duquel tourne le circuit de la demande. C'est cela que le polygone fondamental du tore vous a d�j� illustr�. Un tore, ce n'est pas du tout comme une sph�re. Naturellement un cross-cap, ce n'est pas du tout comme une sph�re non plus.

    Le cross-cap, vous l'avez ici (croquis) vous devez l'imaginer comme �tant, pour cette moiti� inf�rieure, r�alis� comme la moiti� de ce que vous avez fait tout � l'heure avec la baudruche quand vous l'avez remplie d'eau ou de votre souffle ; dans la partie sup�rieure, ce qui est ici ant�rieur viendra traverser tout ce qui est continu

Cross2.jpg
ce qui ici est post�rieur. Les deux faces se croisent l'une l'autre, donnent l'apparence de se p�n�trer puisque les conventions concernant les surfaces sont libres - car n'oubliez pas que nous ne les consid�rons que comme surfaces, que nous pouvons dire que sans doute les propri�t�s de l'espace tel que nous 1'ima ginons nous forcent, dans la repr�sentation, � les repr�senter comme se p�n�trant - mais il suffit que nous ne tenions aucun compte de cette ligne d'intersection dans aucun des moments de notre traitement de cette surface, pour que tout se passe comme si nous la tenions pour rien. Ce n'est pas une arr�te. Ce n'est rien que quelque chose que nous sommes forc�s de nous repr�senter parce

(->p486) (XXII/12) que nous voulons repr�senter ici, cette surface, comme une ligne de p�n�tration. Mais cette ligne, si l'on peut dire, dans la constitution de la surface n'a aucun privil�ge. Vous me direz : "Que signifie ce que vous �tes en train de dire ?" X dans la salle : "Est-ce que cela veut dire que vous admettez, avec l'Esth�tique Transcendantale de Kant, la constitution fondamentale de l'espace en trois dimensions, puisque vous nous dites que pour se pr�senter ici les choses vous �tes forc� d'en passer par quelque chose qui dans la repr�sentation est en quelque sorte g�nant ?" Bien s�r, d'une certaine fa�on, oui. Tous ceux qui articulent ce qui concerne la topologie des surfaces comme telles partent - c'est le b, �, ba de la question - de cette distinction de ce qu'on peut appeler les propri�t�s intrins�ques de la surface et les propri�t�s extrins�ques. Ils nous diront que tout ce qu'ils vont articuler, d�terminer, concernant le fonctionnement des surfaces ainsi d�finies, est � distinguer de ce qui se passe - comme ils s'expriment litt�ralement - quand on plonge la dite surface dans l'espace, nomm�ment dans le cas pr�sent � trois dimensions.

    C'est cette distinction fondamentale qui est aussi celle que je vous ai sans cesse rappel�e pour vous dire que nous ne devions pas consid�rer l'anneau, le tore comme un solide et que, quand je parle du vide qui est central, du pourtour de l'anneau, comme du trou qui lui est, si je puis dire, axial, ce sont des termes qu'il convient de prendre � l'int�rieur de ceci que nous n'avons pas � les faire fonctionner pour autant que nous visons purement et simplement la surface.

    Il n'en reste pas moins que c'est pour autant que, comme s'expriment les topologistes nous plongeons dans un espace que nous pouvons laisser � l'�tat d'x- qu'en est-il du nombre de dimensions qui le structurent, nous ne sommes point forc�s d'en pr�juger - que nous pouvons mettre en valeur telle ou telle des propri�t�s intrins�ques dont i1 s'agit dans une surface.

    Et la preuve est justement ceci : c'est que 1e tore, nous n'aurons aucune difficult� � le repr�senter dans l'espace � trois dimensions qui nous est intuitivement familier, alors que pour celle-ci nous aurons tout de m�me une certaine peine puisqu'il nous faudra y ajouter la petite note de toutes sortes de r�serves concernant ce que nous avons � lire quand nous tentons de repr�senter dans cette espace cette surface.

    C'est ce qui nous permettra de poser justement la question de la (->p487) (XXIII/13) structure d'un espace en tant qu'il admet ou qu'il n'admet pas nos surfaces telles que nous  les avons pr�alablement constitu�es.

    Ces r�serves �tant faites, je vous prie maintenant de poursuivre  et de consid�rer ce que j'ai � vous enseigner sur cette surface pr�cis�ment en tant que c'est � propos de sa repr�sentation dans l'espace que je vais essayer de vous mettre en valeur certains de ses caract�res, qui n'en sont pas moins intrins�ques pour cela.  

Car si j'ai d'ores et  d�j� �limin� la valeur  que nous pouvons donner � cette ligne, 1igne , ligne de p�n�tration, dont vous voyez ici le d�tail illustr� c'est ainsi que nous pouvons la repr�senter (voir croquis) - vous voyez que rien que par la fa�on dont je l'ai, moi, d�j� dessin� au tableau, il y a ici quelque chose qui nous pose une question. 

File:Ligne.jpg

    La valeur de ce point qui est ici est-elle une valeur que nous pouvons en  quelque sorte effacer comme la valeur de cette ligne ? Est-ce que ce point est lui aussi quelque chose qui ne tient qu'� 1a n�cessit� de la repr�sentation dans l'espace � trois dimensions

    Je vous le dis tout de suite pour �clairer ; un peu � l'avance mon propos ce point, quant � sa fonction, n'est pas �liminable, au moins un certain niveau de la sp�culation sur la surface, un niveau qui n'est pas seulement d�fini par l'existence de l'espace � trois dimensions.

    En effet, que signifie radicalement la construction de cette surface dite du cross-cap, en tant qu'elle s'organise � partir de la coupure que je vous ai repr�sent�e tout � l'heure comme un pi�ge � loup qu'on referme ?  

File:Piege.jpg

Rien de plus simple que de voir qu'il faut que ce pi�ge � loup soit bipartite, quand il s'agit de la sph�re, puisqu'il faut bien qu'il se replie quelque part, que ses deux moiti�s sont orient�es dans le m�me sens : le terminus a quoi se distinguera donc du terminus ad quus en tant qu'ils doivent se recouvrir de leur long.

Nous pouvons dire qu'ici (croquis) nous avons la fa�on dont fonctionne l'une par rapport � l'autre les deux moiti�s du bord qu'il s'agit de rejoindre pour constituer un 

(->p488) (XXIII/14)

plan projectif. Ici (croquis) ils sont orient�,s en sens contraire, ce qui veut dire qu'un point situ� � cette place, point a par exemple, correspondra, sera identique, �quivalent, � un point situ� � cette place en a' diam�tralement oppos�, qu'un autre point b situ� ici par exemple se rapportera � un autre point b' situ� diam�tralement.

File:Piege2.jpg

 

    Ceci ne nous incite-t-il pas � penser qu'�tant donn� ce rapport antipodique des points sur ce circuit orient� d'une fa�on continue toujours dans le m�me sens, aucun point n'aura de privil�ge et que, quelle que soit notre difficult� d'intuitionner ce dont il s'agit, il nous faut simplement penser ce rapport circulaire antipodique comme une sorte  d'entrecroisement rayonn� si l'on peut dire, concentrant l'�change d'un point au point oppos� du bord unique de ce trou, et le concentrant, si 1'on peut dire , autour d'un vaste entrecroisement central qui �chappe � notre pens�e et qui ne nous permet d'aucune fa�on donc dans donner de  repr�sentation satisfaisante.

    N�anmoins ce qui justifie que les choses soient ainsi repr�sent�e c'est qu'il y a quelque chose qu'il convient de ne pas oublier : c'est qu'il ne s'agit pas de figures m�triques, � savoir que ce n'est pas 1a distance de a � A et de a' � A qui r�gle la correspondance point par point qui nous permet de construire la surface en organisant de cette fa�on la coupure, mais c'est uniquement la position relative des points, autrement dit dans un ensemble de trois points qui se situent sur moiti� - admettez l'usage du terme la moiti� dont je me sers en cette occasion, qui est d�j� repr�sent� par la r�f�rence analogique que j'ai faite ici des deux moiti�s du bord - c'est en tant que sur ce bord, sur cette ligne, comme sur toute ligne, un point peut �tre d�fini comme �tant entre deux autres qu'un point c par exemple va pouvoir trouver son correspondant dans le point c' de l'autre cot�...

    Mais, si nous n'avons pas de point d'origine, de point Grc1.jpgGrc2.jpg - Saint Jean VIII - 25 comme on dit clans l'�vangile ce qui a pr�t� � de telles difficult�s de  traduction qu'un penseur de Franche-Comt� a cru devoir me dire : "C'est (->p489) (XXIII/15) bien l� qu'on vous reconna�t : le seul passage de l'�vangile sur lequel personne ne peut s'accorder, c'est lui que vous avez pris en �pigraphe pour une partie de votre rapport de Rome". arxhn  ,donc le commencement, s'il n'y a pas ces points de commencement quelque part, il est impossible de d�finir un point comme �tant entre deux autres, car c et c' sont aussi bien entre ces deux autres a et B s'il n'y a pas de A A' pour rep�rer d'une fa�on univoque ce qui se passe dans chaque segment.

    C'est donc pour d'autres raisons que la possibilit� de les repr�senter dans l'espace qu'il faut que nous d�finissions un point d'origine � cet �change entrecrois� qui constitue la surface du plan projectif entre un bord qu'il faut bien, malgr� qu'il tourne toujours dans le m�me sens que nous divisions en deux.

    Ceci peut vous para�tre fort ennuyeux, mais vous allez voir que cela va prendre un int�r�t de plus en plus grand.

    Je vous annonce tout de suite ce que j'entends dire.

    J'entends dire que ce point arxhn origine a une structure tout � fait privil�gi�e, que c'est lui, c'est sa pr�sence, qui assure � la boucle int�rieure de notre signifiant polonais, un statut qui lui est tout � fait sp�cial.

    En effet, pour ne pas vous faire attendre plus longtemps, j'applique ce signifiant, dit en huit int�rieur, sur la surface du cross-cap. Nous verrons apr�s ce que cela veut dire. Observez tout de m�me que l'appliquer de cette fa�on cela veut dire que cette ligne que dessine notre signifiant huit int�rieur se trouve ici faire deux fois le tour de ce point privil�gi� (croquis).

    L�, faites un effort d'imagination. Je veux bien vous l'illustrer par quelque chose ; voyez ce que cela peut faire (croquis)

    Vous avez ici, si vous voulez, le renflement de la moiti� inf�rieure, le renflement de 1a pince gauche de la patte de homard, le renflement de la pince droite.

(->p490) (XXIII/16)

Trois.jpg

 Ici cela rentre dans l'autre, cela passe de l'autre c�t�. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que vous avez en somme un plan qui s'enroule comme cela sur lui, puis qui � un moment se traverse lui-m�me. De sorte que cela fait comme deux esp�ces de volets ou d'ailes battantes ici superpos�es qui se trouvent en somme par la coupure isol�es du renflement inf�rieur, et au niveau sup�rieur ces deux ailes se croisent l'une l'autre. Ce n'est par tr�s inconcevable.  

   Si vous �tiez int�ress�s aussi longtemps que moi � cet objet, �videmment cela vous para�trait peu surprenant. Car � vrai dire le privil�ge de cette double coupure, cela est tr�s int�ressant. C'est tr�s int�ressant en ce sens que, concernant le tore, je vous l'ai d�j� montr�, si vous faites une coupure, cela le transforme en une bande si vous en faites une seconde, qui traverse la premi�re, cela ne le fragmente pas pour autant, c'est cela qui vous permet d'�taler comme un beau carr�. Si vous faites deux coupures qui ne se recroisent pas, sur un tore -essayez d'imaginer cela - l� vous le mettez forc�ment en deux morceaux.  

Ici, sur le cross-cap, avec une coupure qui est une coupure simple comme celle qui peut se dessiner ainsi (croquis) vous ouvrez cette surface. Amusez-vous � en faire le dessin, ce sera un tr�s bon exercice intellectuel de savoir ce qui se passe � ce moment l�. Vous ouvrez la surface, vous ne la coupez pas en deux, vous n'en faites par deux morceaux.

Si vous faites n'importe quelle autre

(->p491) (XXIII/17) coupure qui se croise ou qui ne se croise pas, vous la divisez.

    Ce qui est paradoxal et int�ressant , c'est qu'en somme il ne s'agit ici que d'une seule coupure toujours et que n�anmoins, a simplement lui faire faire deux fois le tour du point privil�gi�, vous divisez la surface.

    Ce n'est pas du tout pareil sur un tore. Sur un tore, si vous faites autant de fois que vous voudrez le tour du trou central, vous n'obtiendrez jamais qu'un allongement en quelque sorte de la bande, mais vous ne le diviserez pas pour autant.

    Ceci, pour vous faire remarquer que nous touchons l�, sans doute, quelque chose d'int�ressant concernant la fonction de cette surface.

    I1 y a d'ailleurs quelque chose qui n'est pas moins int�ressant : c'est que ce double tour, avec ce r�sultat, est quelque chose que vous ne pouvez pas r�p�ter une seule fois de plus ; si vous faites un triple tour, vous serez amen�s � dessiner sur la surface quelque chose qui se r�p�tera ind�finiment � la mani�re des boucles que vous op�rez sur le tore, quand vous vous livrez � l'op�ration de bobinage dont je vous ai parl� au d�part, � ceci pr�s qu'ici la ligne ne se rejoindra jamais, ne se mordra jamais la queue.

    La valeur privil�gi�e de ce double tour est donc suffisamment assur�e par ces deux propri�t�s.

    Consid�rons maintenant la surface qu'isole ce double tour sur le plan projectif. .Je vais vous en faire remarquer certaines propri�t�s.

    D'abord, c'est ce que nous pouvons appeler une surface - appelons-la comme cela, pour la rapidit�, entre nous, si l'on peut dire, puisque je vais vous rappeler ce que cela veut dire - ; c'est une surface gauche, comme un corps gauche, comme n'importe quoi que nous pouvons d�finir comme cela dans l'espace. Je ne l'emploie pas pour l'opposer � droite, je l'emploie pour d�finir ceci, que vous devez bien conna�tre : c'est que si vous voulez d�finir l'enroulement d'un escargot qui, comme vous le savez, est privil�gi� - dextrogyre ou l�vogyre, peu importe, cela d�pend comment vous d�finissez l'un ou l'autre - cet enroulement, vous le trouvez le m�me que vous regardiez l'escargot du c�t� de sa pointe ou que vous 1e retourniez pour le regarder du c�t� de l'endroit o� il �bauche un creux.

    En d'autres termes, c'est qu'� retourner ici le cross-cap pour le (->p492) (XXIII/18) voir de l'autre c�t�, si nous d�finissons ici la rotation de la gauche vers la droite en nous �loignant du point central, vous voyez qu'il tourne toujours dans le m�me sens de l'autre c�t�. Fig. B.

    Ceci est la propri�t� de tous les corps qui sont dissym�triques. C'est donc bien d'une dissym�trie qu'il s'agit fondamentale � la forme de cette surface.

    A preuve, c'est que vous avez au-dessous quelque chose qui est l'image de cette surface ainsi d�finie sur notre double boucle, dans le miroir. La voici. Nous devons nous attendre � ce que, comme dans tout corps dissym�trique, l'image dans le miroir ne lui soit pas superposable, de m�me que notre image dans le miroir , � nous qui ne sommes pas sym�triques malgr� ce que nous en croyons, ne se superpose pas du tout � notre propre support. Si nous avons un grain de beaut� sur la joue droite, ce grain de beaut� sera sur la joue gauche de l'image dans le miroir.

    N�anmoins, la propri�t� de cette surface est telle que, comme vous le voyez il suffit de faire remonter un tout petit peu cette boucle l� et que c'est l�gitime -, de la faire passer au-dessus de l'autre, puisque les deux plans ne se traversent pas r�ellement, pour que vous ayez une image (3) absolument identique et donc superposable � la premi�re, � celle dont nous sommes partis (I). Fig. C.

    Vous voyez ce qui se passe : remontez cela tout doucement progressivement jusqu'ici, et voyez ce qui va se passer, � savoir que l'occultation de cette petite partie en pointill� situ�e ici est la r�alisation identique de ce qui est dans l'image primitive.

    Ceci nous sert � illustrer cette propri�t� que je vous ai dit �tre celle de a en tant qu'objet du d�sir, d'�tre ce quelque chose qui est � la fois orientable et assur�ment tr�s orient�, mais qui n'est pas, si je puis m'exprimer ainsi, sp�cularisable.

    A ce niveau radical qui constitue le sujet dans sa d�pendance par rapport � l'objet du d�sir, la fonction i(a),  i de a, fonction sp�culaire, perd sa prise si l'on peut dire.

    Et tout ceci est command� par quoi ?

    Par quelque chose qui est justement ce point (point central) en tant qu'il appartient � cette surface

    Pour �clairer tout de suite ce que je veux dire, je vous dirai que

(->p493) (XXIII/19)

Cross3.jpg

(->p494) (XXIII/20)  c'est en articulant la fonction de ce point que nous pourrons trouver toutes sortes de formules heureuses qui nous permettent de concevoir la fonction du phallus au centre de la constitution de l'objet du d�sir. C'est pour cela qu'il vaut la peine que nous continuions de nous int�resser � la structure de ce point.

    Ce point, en tant que c'est lui qui est la cl� de la structure, de cette surface ainsi d�finie, d�coup�e par notre coupure dans le plan projectif, ce point, il faut que je m'arr�te un instant � vous montrer quelle est sa v�ritable fonction. C'est ce qui vous demandera, bien s�r, encore un peu de patience.

    Quelle est la fonction de ce point ?

    Ce qui est l� dans ce moment auquel nous nous arr�tons est manifeste, c'est qu'il est dans une des deux parts dont par la double coupure le plan projectif est divis�. I1 appartient � cette partie qui se d�tache, il n'appartient pas � la partie qui reste. (Figure D).

    Puisqu'il semble que vous ayez �t� capables tout � l'heure, - je dois tout au moins l'induire du fait qu'il ne s'est �lev� aucun murmure de protestation - de concevoir comment cette figure peut passer � celle-ci par simple d�placement l�gitime du niveau de la coupure, vous (D) allez, je pense, �tre aussi bien capables de faire l'effort mental de voir ce qui se passe si, d'une part, nous faisons franchir l'horizon du cul de sac inf�rieur de la surface � cette coupure en la faisant passer donc de l'autre c�t�, comme l'indique ma fl�che jaune et si nous faisons franchir � la partie sup�rieure de la boucle �galement l'horizon de ce qui est en haut du cross-cap. Fig. D.

    Ceci nous conduit sans difficult� � la figure suivante.

    Le passage � la derni�re est un petit peu plus difficile � concevoir, non pas pour la boucle inf�rieure comme vous le voyez, mais pour la boucle sup�rieure pour autant que vous pouvez peut-�tre avoir un instant d'h�sitation concernant ce qui se passe au moment du franchissement de ce qui ici se pr�sente comme l'extr�mit� de .la ligne de p�n�tration.

    Si vous y r�fl�chissez un petit peu, vous verrez que si c'est de l'autre c�t� que la coupure est amen�e � franchir cette ligne de p�n�tration, �videmment elle se pr�sentera comme cela, c'est-�-dire, comme elle est de l'autre c�t�, elle sera pointill�e de ce c�t�-ci, et elle sera plaine puisque d'apr�s notre convention ce qui est pointill� est (->p495) (XX/III/21) vu par transparence.

    Rien dans la structure de la surface ne nous permet de distinguer la valeur de ces coupures 1 et 2, donc de celles auxquelles nous aboutissons ici. Pour l'oeil, elles se pr�sentent comme rentrant toutes deux du m�me c�t� de la ligne de p�n�tration.

    Est-ce que c'est tr�s simple pour l'oeil ? S�rement pas. Car cette diff�rence qu'il y a entre, pour la coupure de rentrer des deux c�t�s diff�rents (I) ou rentrer par le m�me c�t�,3 c'est quelque chose qui doit tout de m�me se signaler dans le r�sultat, sur la figure. Et d'ailleurs, ceci est tout � fait sensible. Si vous r�fl�chissez � ce que c'est, ce qui d�sormais est d�coup� sur cette surface, vous le reconna�trez facilement  

File:Huit.jpg

d'abord, c'est la m�me chose que notre signifiant ; en plus de la fa�on dont cela d�coupe une surface, cela d�coupe une surface dont vous sentez tr�s bien - vous n'avez qu'� regarder la figure - que c'est une bande, une bande qui n'a qu'un bord. Je vous ai d�j� montr� ce que c'est c'est une surface de Moebius.

    Or, les propri�t�s d'une surface de Moebius sont des propri�t�s compl�tement diff�rentes de celles de cette petite surface tournante dont je vous ai montr� tout � l'heure les propri�t�s en la retournant, en la mirant, en la transformant et en vous disant finalement que c'est celle-l� qui nous int�resse.

    Ce petit tour de passe-passe a �videmment une raison qui n'est pas difficile � chercher. Son int�r�t est simplement de vous montrer que cette coupure divise la surface toujours en deux parts, dont l'une conserve le point dont il s'agit � son int�rieur, et dont l'autre ne l'a plus.

    Cette autre partie qui est tout aussi bien pr�sente l� 1 que dans la figure terminale 3 , c'est une surface de Moebius. La double coupure divise toujours la surface appel�e cross-cap en deux : ce quelque chose auquel nous nous int�ressons et dont je vais faire pour vous le support de (->p496) (XXIII/22) l'explication du rapport de S avec a dans le fantasme, et, de l'autre c�t� une surface de Moebius.

    Quelle est la premi�re chose que je vous ai fait toucher du doigt quand je vous ai fait cadeau de cette petite cinq ou sizaine de surfaces de Moebius que j'ai lanc�es � travers l'assembl�e ?

    C'est que la surface de Moebius, elle, au sens o� je l'entendais tout � l'heure, est irr�ductiblement gauche. Quelque modification que vous lui fassiez subir, vous ne pourrez pas lui superposer son image dans le miroir.

    Voil� donc la fonction de cette coupure et ce qu'elle montre d'exemplaire. Elle est telle que, divisant une certaine surface d'une fa�on privil�gi�e, surface dont la nature et la fonction nous sont compl�tement �nigmatiques, puisqu'� peine pouvons-nous la situer dans l'espace, elle fait appara�tre des fonctions privil�gi�es d'un c�t�, qui sont celles que j'ai appel�es tout � l'heure d'�tre sp�cularisable, c'est-�-dire de comporter son irr�ductibilit� � l'image sp�culaire , et, de l'autre c�t�, une surface qui, quoique pr�sentant tous les privil�ges d'une surface, elle, orient�e, n'est pas sp�cularis�e. Car remarquez bien, que cette surface, on ne peut pas dire, comme sur la surface de Moebius, qu'un �tre infiniment plat se promenant se trouve tout d'un coup sur cette surface � son propre envers : chaque face est bel et bien s�par�e de l'autre dans celle-ci:

File:Surf1.jpg

    Cette propri�t�, bien s�r, est quelque chose qui laisse ouverte une �nigme ; car ce n'est pas si simple, d'autant moins simple que la surface totale - c'est bien �vident, n'est reconstituable, et reconstituable imm�diatement, qu'� partir de celle-ci  

File:Surf2.jpg

(->p497) (XXIII/23) I1 faut donc bien que les propri�t�s les plus  fondamentales de la surface soient quelque part conserv�es, malgr� son apparence plus rationnelle que celle de l'autre, dans cette surface.

    Il est tout � fait clair qu'elles sont conserv�es au niveau du point. Si le passage qui dans la figure totale rend toujours possible � un voyageur infiniment plat de se retrouver par un chemin excessivement bref en un point qui est son propre envers - je dis : sur la surface totale -, si ce n'est plus possible au niveau de la surface centrale, fragment�e, divis�e par le signifiant de la double boucle, c'est que tr�s pr�cis�ment quelque chose de cela est conserv� au niveau du point.

    A ceci pr�s que justement pour ce point fonctionne comme ce point, il a ce privil�ge d'�tre justement infranchissable, sauf � faire s'�vanouir, si l'on peut dire, toute la structure de 1a surface.

    Vous le voyez, je n'ai m�me pas pu encore donner son plein d�veloppement � ce que je viens de dire de ce point. Si vous y r�fl�chissez, vous pourrez, d'ici la prochaine fois 1e trouver vous-m�me.

    L'heure est avanc�e, et c'est bien l� que je suis forc� de votes laisser. Je m'excuse de l'aridit� de ce que j'ai �t� amen� aujourd'hui � produire devant vous, du fait de la complexit� m�me, encore que ce ne soit qu'une complexit� extraordinairement pun(c)tiforme (le (c) est du claviste !) , c'est le cas de le dire. C'est l� que je reprendrai la prochaine fois. 

    Je reviens donc sur ce que j'ai dit � l'entr�e : le fait que je n'ai pu arriver que jusqu'� ce point de mon expos� fera que le S�minaire de mercredi prochain - dites-le � ceux qui ont re�u la prochaine annonce sera maintenu dans le dessein de ne pas laisser trop d'espace, trop d'intervalle entre ces deux s�minaires, car cet espace pourrait �tre nuisible � la suite de notre explication.

note: bien que relu, si vous d�couvrez des erreurs manifestes dans ce s�minaire, ou si vous souhaitez une pr�cision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un [mailto:gaogoa@free.fr �mail]. [#J.LACAN Haut de Page] 
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